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La fintech européenne a subi. Voilà que l’Amérique la rattrape

Ressortant de plus de huit semaines de crise sanitaire, les fintech européennes se sont fragilisées. Aux États-Unis en revanche, les jeunes pousses deviennent des géants.

Elles nous avaient promis cinq ans de croissance exponentielle, voilà que les trois plus grosses néo-banques européennes ont dû se rendre à l’évidence : la crise sanitaire et la baisse de la consommation vont leur demander de se serrer la ceinture et procéder à des départs. Cette semaine, Revolut a réduit ses effectifs d’au moins 50 personnes, quand Monzo se serait séparée de 120 employés à cause de « la situation économique ». Des choix venant emboîter le pas à la fintech allemande N26, qui avait choisi quant à elle de retarder son déploiement au Brésil et mettre de côté une partie de son effectif aux États-Unis.

La crise sanitaire a montré une chose notoire en Europe. En pleine période de transition sur le paysage bancaire et financier, les millions de dollars levés par les nouveaux acteurs ne leur garantissent en rien une sécurité. Cela est d’autant plus le cas quand l’on sait que la « vallée de la mort » de ces entreprises ne sera pas facile : leur modèle d’affaires s’accorde à trouver l’équilibre qu’à partir de plusieurs dizaines de millions de clients, loin de ce que pourrait imaginer atteindre une banque traditionnelle.

On pourrait alors se fier à leur produit en lui-même, et garder conscience qu’une fois sorti de la crise sanitaire et une fois que la consommation aura repris une activité plus classique, les choses iront mieux. Malheureusement, l’élan des nouveaux services bancaires numériques ne garantira peut-être pas aux néo-banques européennes de pouvoir attirer de la même façon, elles qui ne sont pas aussi mâtures que les banques en ligne des établissements traditionnels. Nous l’avons vu sur les crédits, notamment professionnels avec la néo-banque française Qonto, gênée de ne pas pouvoir aider ses clients dans le besoin urgent d’un prêt.

Si le plus dur a certainement été fait, les néo-banques européennes continueront à rester prudentes. Comme chez Revolut, le fondateur de Monzo Tom Blomfield a décidé de renoncer à son salaire pendant une période d’un an. Avec son nouveau PDG TS Anil, les deux hommes ont écrit dans une lettre interne « que la situation économique actuelle ne devrait pas revenir rapidement à la normale ». Le chemin sera long. Mais en attendant, au-delà de l’Atlantique, les choses évoluent à un train bien différent sur le paysage fintech américain.

Vent en poupe pour les fintech américaines

Cette semaine, l’industrie de la fintech américaine a connu de très bonnes nouvelles. Varo Money, une néo-banque californienne d’un million de clients, vient de lever pas moins de 241 millions de dollars en série D pour avoir le capital nécessaire et propice à son nouveau statut d’établissement de crédit, avec tous les nouveaux produits qui en découlent. Chez Marqueta, une licorne californienne qui travaille sur l’émission et le traitement des cartes de paiement, pas moins de 150 millions de dollars d’argent frais viennent d’être acquis. Une énième série, portant à 4,1 milliards de dollars la valorisation de l’entreprise.

Au-delà de l’actualité des levées de fonds, les bonnes nouvelles se poursuivent avec Mastercard. En début de semaine, le groupe américain a étendu son nouveau programme d’aides baptisé « Fintech Express » sur le marché européen, pour accompagner et accélérer le lancement de nouveaux produits « en l’espace de quelques jours ». Le but de Mastercard est d’aller travailler avec le maximum de jeunes pousses au destin prometteur, alors que son concurrent Visa est aussi de la partie, et continue de plaire à de nombreuses nouvelles solutions bancaires numériques.

Dans un paysage fintech où l’Europe semblait avoir pris de l’avance sur certains produits, où le marché bancaire semblait moins fermé qu’aux États-Unis où règnent encore les « Big Four », les tendances s’inversent. Face à l’épidémie de coronavirus entraînant une demande de chômage sans précédent, la fintech américaine a profité d’un biais tout particulier, présent dans plusieurs pays. Une caractéristique qui diffère ces pays des Européens. Et une situation plus propice à l’émergence des fintech.

Une situation plus propice

Éloignons-nous des États-Unis pour descendre en Amérique du Sud. Au Brésil, une néo-banque encore méconnue en Europe vient de passer un cap jamais atteint auparavant. Elle s’appelle Nubank, et ses 25 millions de clients viennent de lui donner le titre de la plus grosse néo-banque au monde. Loin derrière, Revolut se trouve aux alentours de 10 millions de clients actuellement. Une avance considérable pour une banque bien aidée par la situation actuelle au sein du pays. Son succès provient d’un marché qui se montre pleinement apte à faire confiance à la fintech et souscrire aux néo-banques.

Nous évoquions cette actualité dans un précédent article, au sein duquel certains indicateurs pouvaient expliquer aisément la situation propice au sein du pays. À travers ses 110 millions d’actifs, le Brésil ne compte que 50 millions de personnes titulaires d’un compte courant et détenteurs d’une carte bancaire. En même temps, le pays se situe en quatrième position des mieux connectés à travers le monde, et les propositions des néo-banques – pas chères, rapides et accessibles depuis un smartphone – se sont montrées comme des moyens de venir en aide à ces personnes non bancarisées.

Comme avec Varo Money et Marqueta, l’élan actuel des investisseurs chez les start-up de la fintech aux États-Unis trouve son explication dans la crise et les caractéristiques intrinsèques au marché . « Depuis le début de 2020, Varo a vu une augmentation de près de 350 % des dépôts, une augmentation de 140 % de ses dépenses et son coût d’acquisition de clients est en baisse de 40 % » écrivait Donna Fuscaldo, journaliste fintech chez Forbes. L’attractivité de la néo-banque qui a levé 241 millions de dollars fait partie de cette tendance en Amérique, où la crise sanitaire et économique a bougé les mentalités, et montré que la fintech pouvait devenir un très bon outil pour répondre aux solutions économiques d’urgence.

Cette tendance en Amérique, où la crise sanitaire et économique a bougé les mentalités, a montré que la fintech pouvait offrir de très bons outils pour aider les situations économiques d’urgence

Se rendre indispensable

Aux États-Unis depuis avril, l’administration Trump et le Congrès se sont accordés pour mettre en place une politique d’hélicoptère monétaire. Pour toute personne ayant perdu son emploi du fait de la crise, une aide d’urgence de 1200 dollars leur fut envoyée, majoritairement sous la forme d’un chèque en papier. Au cours de ces huit dernières semaines, le plan de relance a attiré la fintech pour proposer ses services à l’État fédéral, au point de se montrer indispensable. Comme au Brésil, les plus de 14 millions d’Américains sans compte bancaire ont connu un parcours souvent difficile pour toucher leur aide. Dernièrement, des milliers de cartes de débit prépayées ont été envoyées, entraînant une grande confusion chez des populations qui n’espéraient que pouvoir passer par des applications comme Cash App pour pouvoir recevoir facilement et rapidement l’argent.

Malgré que Revolut, Monzo et N26 se soient installées sur le marché américain pour espérer faire leur place, cette crise économique risque de redistribuer les cartes sur le Nouveau Continent. Square, la fintech du fondateur de Twitter Jack Dorsey, est en train de convertir une grande partie de ses clients au dépôt direct, leur permettant d’utiliser les services bancaires numériques de l’entreprise pour recevoir leur salaire. Un signe que les acteurs locaux prendront beaucoup de place sur le territoire, au risque que les Européens finissent par rebrousser chemin.

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